
Arnaud Lalanne explore le monde
en quête de sens
et d'histoires
à raconter !

Si vous ne le connaissez pas encore, Arnaud Lalanne, né à Marseille en 1987, est un grand voyageur, devenu au fil du temps écrivain. Avant de se consacrer à l’écriture, il a travaillé pour des marques prestigieuses comme Rolex, Google, Mercedes et la radio NRJ. Puis en 2014, il est devenu freelance en marketing digital, spécialisé dans le voyage, le bien-être et la petite enfance. En 2015 il créé le blog de voyage Noho Travels.
C'est en 2016 qu'il a décidé de faire le grand saut et de rompre avec son quotidien en optant pour un nouveau mode de vie pour devenir l’un des premiers nomades digitaux. Ce fut pour lui le début d’une grande aventure qui l’a mené aux quatre coins du monde durant 14 mois à travers l’Asie, l’Océanie, l’Amérique latine, Moyen-Orient et l’Europe.
De ces nombreux Pays traversés, de toutes les personnes rencontrées, il a rapporté dans ses bagages des carnets, des réflexions et des mots. Peu à peu, ces pages sont devenues des livres, entre récit de voyage et poésie philosophique. Aujourd’hui, il se décrit lui même comme un écrivain voyageur, dont la principale motivation est de transmettre et partager une expérience humaine, simple et sincère.
C’est sur le Chemin de Compostelle qu'il a trouvé l’inspiration de son premier roman initiatique sur son pèlerinage publié en octobre 2024, "Les Yeux bleus de la coquille Saint-Jacques". À travers Arthur, un pèlerin qui lui ressemble, en quête de vérité intérieure et de dépassement de soi, le lecteur découvre la force des rencontres et la solidarité qui unit les marcheurs. La marche devient alors pour lui une source d’éveil spirituel.
En juillet 2025, Arnaud Lalanne a édité un recueil de poésie plus intime et méditative" Kaika" mot inspirant japonais signifiant « éclosion », qui invite à ralentir et à cultiver la quête de sens.
Ses textes explorent des thématiques essentielles à mes yeux reliant le voyage, à la philosophie, à la spiritualité aussi et au développement personnel. J'ai voulu échangé avec lui pour en savoir plus sur son parcours et notamment comment le voyage l'a transformé et mené sur le chemin de Compostelle, puis à l'écriture.


Crédit photo : Arnaud Lalanne
1. Le parcours personnel d'Arnaud Lalanne
1.1 Qu’est-ce qui t’a poussé à quitter ta vie sédentaire pour adopter un mode de vie nomade ?
En 2014, j’ai créé ma propre activité en freelance dans la communication et la régie publicitaire. Très vite, j’ai enchaîné les longues journées de travail, tôt le matin, tard le soir, week-ends compris. Je n’avais plus de temps pour moi, plus d’espace pour respirer. C’était une sorte de confinement avant l’heure, un quotidien répétitif, sédentaire, qui m’étouffait peu à peu.
Au bout d’un an, j’ai ressenti un besoin urgent de liberté. J’ai alors pris une décision radicale : quitter cette routine pour tenter une expérience encore marginale à l’époque – travailler tout en voyageant. Aujourd’hui, on appelle ça le nomadisme digital, et cela paraît presque banal depuis la pandémie. Mais en 2016, c’était une idée qui surprenait beaucoup.
Je me souviens que je cachais souvent ma situation à mes clients. Certains pensaient que travailler depuis l’étranger signifiait ne pas être fiable, ou même qu’ils pouvaient éviter de régler mes factures. Voyager en travaillant n’était pas encore reconnu comme un mode de vie crédible. Pendant mes quatre premières années de voyage, je n’ai rencontré qu’une seule autre personne qui créait des sites internet tout en vivant sur les routes.
Ce choix de quitter ma vie sédentaire pour devenir voyageur à plein temps a été un tournant décisif. Il m’a permis non seulement de découvrir plus de quarante pays, mais aussi d’ouvrir un espace intérieur de créativité, de réflexion et d’écriture. C’est ce parcours qui m’a ensuite conduit à écrire mon premier roman initiatique, Les Yeux bleus de la coquille Saint-Jacques, inspiré de mon pèlerinage sur le Camino Francés, puis mon second livre, Kaika, un recueil poétique et philosophique.
En somme, j’ai quitté une vie figée pour adopter une existence en mouvement, où chaque pas, chaque rencontre, chaque imprévu devenait une source d’apprentissage.
1.2 Comment l’idée de Noho Travels et de ton tour du monde est née ?
À l’origine, j’avais créé mon blog pour partager mes récits et mes photos avec ma famille et mes amis. Je n’imaginais pas qu’il prendrait une telle ampleur. Mais au fil des mois et des voyages, de plus en plus de personnes ont commencé à me suivre. Elles étaient sensibles à ma façon de voyager, à mon regard sur le monde, mais aussi à ma manière de raconter mes expériences, avec leurs joies, leurs imprévus et parfois leurs épreuves.
C’est de là qu’est née l’idée de transformer ce blog en véritable espace de partage, presque comme un carnet de route public. Il ne s’agissait pas seulement de montrer des paysages ou des destinations, mais de transmettre une vision du voyage comme une quête de sens, une aventure intérieure autant qu’extérieure.
D’ailleurs, c’est ce plaisir de partager mes expériences qui, quelques années plus tard, m’a poussé à passer du blog à l’écriture de livres.
1.3 Quand et pourquoi avoir pris le départ pour Saint-Jacques après avoir vu autant de pays ?
Au départ, mon objectif était simple : réaliser un tour du monde en un an. Je voulais clore cette grande aventure par une expérience unique, un voyage différent des autres. Plusieurs rencontres au cours de mon périple m’ont soufflé l’idée du Chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Après une randonnée de dix jours dans les montagnes chiliennes, je m’étais pourtant dit que Compostelle serait trop difficile pour moi. J’avais alors lancé une sorte de pacte intérieur : “Si quelqu’un me reparle du Chemin, je le ferai.” Deux jours plus tard, dans une gare routière en Argentine, une Japonaise m’a raconté qu’elle venait tout juste de terminer son pèlerinage et qu’elle me conseillait d’y aller. Quelques jours après, dans les montagnes de Bariloche, un autre voyageur m’a tenu exactement le même discours. Ces deux rencontres éphémères, de simples échanges de cinq minutes, ont suffi à déclencher ma décision.
Pourtant, ma détermination a été mise à rude épreuve. Trois jours avant de rejoindre Saint-Jean-Pied-de-Port, ville de départ du Camino Francés, j’étais en Islande. En marchant dans une zone géothermique, je suis tombé dans une source bouillante à 120 °C et je me suis brûlé les jambes au second degré. Dix secondes ont suffi pour frôler la mort. Immobilisé plus d’un mois, j’ai dû me faire soigner quotidiennement. Beaucoup auraient abandonné, mais je gardais cette idée en tête : finir mon tour du monde par Compostelle.
Le moment décisif est arrivé à Paris. Alors que je sortais d’un rendez-vous médical, j’étais prêt à renoncer. Je me suis lancé un défi à l’Univers : “Si je croise un signe de Compostelle, je partirai. Sinon, je rentre à Marseille.” Quelques minutes plus tard, dans la station de métro Grands Boulevards, une affiche publicitaire d’une compagnie aérienne affichait en grand : “Cet été, tous les chemins mènent à Compostelle !” J’ai eu les larmes aux yeux. Comme une scène de film, cet instant a scellé ma décision.
C’est ainsi qu’en juin 2017, après une année de voyage autour du monde et malgré les obstacles, j’ai pris le départ de Saint-Jean-Pied-de-Port pour marcher 33 jours jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle. Ce pèlerinage, que je voyais au départ comme une conclusion, a en réalité ouvert une nouvelle perspective sur ma vie. C’est lui qui a donné naissance à mon premier roman initiatique, Les Yeux bleus de la coquille Saint-Jacques.
1.4 Le voyage est-il pour toi une forme de quête spirituelle ou simplement une manière de vivre autrement ?
Le voyage représentait pour moi avant tout un mode de vie nomade. Une façon de rompre avec la routine sédentaire, de découvrir de nouveaux horizons et de travailler en explorant le monde. Mais au fil des années, je me suis rendu compte qu’il ne s’agissait pas seulement d’une manière différente de vivre : voyager m’a ouvert à des expériences bien plus profondes, parfois même transcendantes.
Sur les routes, j’ai vécu des instants qui dépassent le simple cadre du quotidien. Des expériences qui touchent à l’invisible, à ce que l’on ne peut ni prévoir ni mesurer, et qui transforment durablement notre regard. Ces moments laissent entrevoir que le voyage n’est pas seulement un déplacement géographique, mais aussi une expérience spirituelle.
Je pense notamment à des rencontres marquantes avec des chamanes : au Kirghizistan, près du lac Issyk-Kul ; auprès de tribus aborigènes de Taïwan sur la côte est ; ou encore en Polynésie, en 2025, avec plusieurs guérisseurs. Ces échanges m’ont appris que voyager, c’est aussi franchir des seuils invisibles, découvrir des mondes spirituels qui enrichissent notre perception.
C’est précisément ce que j’ai voulu explorer dans mon second livre, Kaika. Ce mot japonais signifie « éclosion ». Ce recueil de texte philosophique approfondit cette idée que le voyage n’est pas uniquement extérieur, mais aussi intérieur : une ouverture à l’instant présent, à l’intuition, à la créativité et à l’éveil de l’Être.
En définitive, pour moi, le voyage est à la fois un mode de vie et une quête spirituelle. Il commence par les pas posés sur la route, mais il se poursuit dans la transformation intérieure qu’il suscite.
2. Sur son livre Les Yeux bleus de la coquille Saint-Jacques
2.1 Pourquoi avoir choisi le Chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle comme toile de fond pour ce roman ?
Depuis l’adolescence, j’avais le rêve d’écrire un roman. J’ai tenté plusieurs fois, sans jamais réussir à aller jusqu’au bout. C’est sur le Chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, en 2017, que ce rêve enfoui a refait surface avec évidence.
Le Camino Francés, de Saint-Jean-Pied-de-Port à Saint-Jacques-de-Compostelle, a cette force unique : il nous ramène à l’essentiel, il nous reconnecte à notre enfant intérieur. Chaque pas, chaque silence, chaque rencontre agit comme un révélateur. Dans cette simplicité extrême — marcher, se nourrir, dormir —, des émotions profondes se libèrent et une créativité nouvelle surgit. C’est dans cette atmosphère que l’idée de mon roman s’est imposée.
J’ai choisi Compostelle non pas comme un simple décor, mais comme un personnage à part entière. Car le Chemin agit réellement comme un guide : il met les bonnes personnes sur notre route, il confronte nos failles, il nous pousse à dépasser nos limites et, surtout, il nous apprend à regarder la vie autrement.
En choisissant le Chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle comme toile de fond, j’ai voulu offrir aux lecteurs bien plus qu’un récit de voyage : une expérience initiatique et littéraire. Une invitation à découvrir un chemin extérieur, mais aussi, et surtout, un chemin intérieur.
2.2 Le personnage principal est-il inspiré de ta propre expérience ou d’une rencontre marquante sur le Chemin ?
Arthur, le héros de Les Yeux bleus de la coquille Saint-Jacques, est un personnage de fiction, mais il est profondément nourri de mon vécu sur le Chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Lorsque j’ai entrepris le Camino Francés en 2017, de Saint-Jean-Pied-de-Port à Saint-Jacques-de-Compostelle, j’ai traversé des épreuves physiques, des questionnements intérieurs, mais aussi des moments de grâce et de rencontres bouleversantes. Beaucoup de ces expériences ont inspiré l’histoire d’Arthur. Certaines scènes sont directement liées à ce que j’ai vécu, d’autres prennent la forme de métaphores, comme si la fiction me permettait de traduire une vérité intérieure.
Les personnages qu’Arthur rencontre au fil du chemin sont eux aussi inspirés de personnes croisées sur la route. Chacun avait une personnalité singulière, une histoire marquante, une sensibilité unique. Il y avait des pèlerins venus de tous horizons : des hommes et des femmes avec leurs blessures, leurs espoirs, leurs colères parfois, mais toujours avec cette force de continuer à avancer. J’ai voulu que chaque rencontre d’Arthur incarne une clé symbolique dans son cheminement. Comme dans la réalité, ce sont les autres pèlerins qui l’aident à progresser dans sa quête, non pas en lui donnant des réponses toutes faites, mais en partageant leurs histoires, leurs silences, leurs sourires.
2.3 Qu’espères-tu que les lecteurs retiennent de ce récit initiatique ?
Avec Les Yeux bleus de la coquille Saint-Jacques, je n’ai pas seulement voulu raconter un voyage, mais partager une expérience initiatique universelle. Mon souhait est que chaque lecteur, en tournant les pages, ressente que le Chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle n’est pas réservé aux pèlerins qui marchent en Espagne : il est une métaphore de nos propres vies, de nos quêtes intérieures, de nos fragilités et de nos forces.
Le Chemin libère. Il dépouille de nos masques sociaux, de nos certitudes, de nos habitudes. Jour après jour, il nous ramène à l’essentiel et nous offre la liberté d’être pleinement nous-mêmes. Sur le Camino Francés, j’ai vu des personnes de tous horizons, de toutes conditions sociales, marcher côte à côte avec le même sourire au bout des lèvres. Cette fraternité universelle, née de l’effort partagé et de la solidarité, est une des grandes richesses du pèlerinage, et j’ai voulu la retranscrire dans mon roman.
J’aimerais aussi que les lecteurs sentent, en lisant ce livre, qu’ils peuvent eux aussi suivre leur propre Chemin. Qu’il s’agisse d’un pèlerinage réel ou symbolique, chaque être humain a un chemin intérieur à parcourir. Ce qui compte, ce n’est pas d’aller vite ou de ressembler aux autres, mais d’écouter son Cœur, d’avancer à son rythme et de s’ouvrir aux rencontres et aux signes que la vie place sur la route.
2.4 Le titre du livre est intrigant : peux-tu nous l’expliquer ?
Peu de gens le savent, mais les coquilles Saint-Jacques possèdent près de deux cents yeux bleus minuscules. Ces yeux, chacun doté d’un miroir concave, leur permettent de percevoir la lumière et de détecter ce qui échappe à l’œil humain. Les scientifiques les étudient même pour concevoir de nouveaux instruments optiques. J’ai trouvé cette image extraordinaire : une petite coquille, si simple en apparence, mais capable de voir l’invisible.
Pour moi, cette faculté symbolise parfaitement ce que représente le pèlerinage de Compostelle. Marcher sur le Camino Francés, c’est apprendre à regarder la vie autrement. C’est découvrir une vision nouvelle, au-delà des apparences, où chaque rencontre, chaque sourire, chaque silence devient porteur de sens. Comme les yeux des coquilles, le pèlerin acquiert une sensibilité différente, une capacité à percevoir ce qui était jusque-là caché.
C’est ce regard élargi que j’ai voulu transmettre dans mon roman initiatique. Les Yeux bleus de la coquille Saint-Jacques n’est pas seulement un titre poétique : c’est une invitation pour le lecteur à voir sa propre vie sous un autre angle, à trouver derrière chaque épreuve une lumière, et dans chaque détour du chemin une clé pour avancer.
3. Sur son pèlerinage et ses enseignements
3.1 Quels ont été les moments les plus marquants ou transformateurs de ta marche vers Compostelle ?
Paradoxalement, l’un des moments les plus marquants de mon pèlerinage s’est produit avant même que je n’aie posé un seul pas sur le Chemin. Mon téléphone est tombé en panne, sans prévenir, et refusait de redémarrer. Dans nos vies modernes, cela ressemble à une catastrophe. Pour moi, cela a été une bénédiction.
J’ai choisi de ne pas le réparer, de ne pas en racheter un. J’ai simplement emprunté quelques minutes le téléphone d’une amie russe – qui deviendra dans mon roman le personnage de Lena – pour prévenir ma famille, puis je me suis lancé sur le Camino Francés totalement déconnecté.
Pendant plus de trente jours, je n’ai eu ni écran, ni notifications, ni appareil photo pour figer l’instant. Il ne restait que mes pas, mes sens, mes rencontres. Et dans ce dépouillement, j’ai découvert une liberté immense. La liberté d’être là, entièrement présent, sans avoir à rendre de comptes, sans chercher à capter autre chose que le moment lui-même.
Ce lâcher-prise forcé est devenu une révélation. Marcher sans téléphone, c’était marcher nu sans possibilité de m’échapper dans le numérique.
Je crois que c’est dans ces instants de dépouillement, que j’ai ressenti la plus grande plénitude de ma vie de voyageur. Une liberté totale, née d’un simple accident technique.
3.2 Tu as sans doute partagé des conseils pratiques dans tes réseaux et vidéos : quel est celui que tu juges le plus essentiel ?
Bien sûr, il existe mille conseils pratiques pour préparer le Chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle : le poids du sac, le choix des chaussures, la préparation physique… Mais si je ne devais en garder qu’un seul, ce serait celui-ci : écouter son Cœur et marcher à son propre rythme.
Le pèlerinage n’est pas une compétition. Chacun avance avec son histoire, ses forces, ses fragilités. Certains aiment se lever tôt et marcher vite, d’autres préfèrent savourer un café au lever du soleil, faire des pauses, contempler les paysages. Le Chemin se charge de réunir les uns et les autres. On rencontre toujours des compagnons qui avancent au même rythme que soi.
C’est là toute la magie du Camino Francés : il s’adapte à chacun. Il n’impose pas une manière de faire, il révèle la nôtre. Jour après jour, il nous enseigne que la véritable marche est celle que l’on entreprend en accord avec soi-même.
Alors mon conseil est simple : ne cherchez pas à ressembler aux autres pèlerins, ni à suivre un rythme qui n’est pas le vôtre. Laissez-vous guider par vos pas, vos envies, vos silences. Le Chemin libère, il permet d’être soi-même. Et c’est dans cette authenticité que se trouve la vraie beauté de Compostelle.
3.3 As-tu ressenti une forme de communauté ou de fraternité particulière entre pèlerins ?
Oui, et je crois que c’est l’une des grandes richesses du Chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Sur le Camino Francés, on marche aux côtés de personnes venues de tous horizons : des étudiants, des retraités, des cadres, des artistes, des croyants, des athées. Chacun porte une histoire différente, une raison intime de prendre la route. Mais malgré ces différences, une même énergie nous unit.
Ce que j’ai ressenti, c’est une véritable fraternité universelle. Une solidarité spontanée, simple, presque instinctive. On partage un repas, on échange un sourire, on aide à porter un sac trop lourd, on offre un pansement à un inconnu blessé par une ampoule. Dans la vie quotidienne, on ne se serait peut-être jamais parlé. Sur le Chemin, ces gestes deviennent évidents, naturels, presque nécessaires.
Pour moi, cette fraternité est une preuve que l’entrée dans une communauté peut élever, transformer, aider à s’en sortir. Sur Compostelle, personne ne marche seul : même dans la solitude, on sent la présence invisible de ceux qui nous précèdent, de ceux qui nous suivent.
C’est cette dimension humaine que j’ai voulu retranscrire dans mon roman Les Yeux bleus de la coquille Saint-Jacques. J’ai cherché à montrer comment l’entraide, les sourires et les confidences échangées peuvent devenir des étapes essentielles du pèlerinage intérieur. Car le Chemin ne nous apprend pas seulement à marcher : il nous apprend à marcher ensemble.
3.4 Comment le Chemin a-t-il influencé ta vision du voyage, du temps, ou même de toi-même ?
Le Chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle a profondément changé ma manière d’appréhender le voyage, mais aussi ma perception du temps et de moi-même. Avant Compostelle, je considérais le voyage surtout comme un mode de vie : une manière de travailler différemment, de découvrir des pays, de multiplier les expériences. Le Chemin m’a montré que voyager pouvait être bien plus que cela.
Marcher jour après jour sur le Camino Francés, de Saint-Jean-Pied-de-Port à Compostelle, c’est apprendre une autre temporalité. Le temps ne se mesure plus en heures, en rendez-vous ou en notifications, mais en pas, en levers de soleil, en haltes improvisées. Les journées sont simples — marcher, manger, dormir — et pourtant elles paraissent infinies. Chaque instant prend une densité nouvelle, comme si le présent s’épaississait pour devenir une matière vivante.
Cette expérience m’a appris que la vraie richesse n’est pas de gagner du temps, mais de l’habiter. De le vivre pleinement, sans chercher à le remplir. Le Chemin m’a libéré de cette obsession de courir après quelque chose : il m’a montré que tout est déjà là, dans l’instant.
Il m’a aussi offert un miroir intérieur. Dans la fatigue, dans les douleurs, dans les silences, j’ai dû affronter mes propres fragilités. Mais c’est justement dans ces moments de vulnérabilité que j’ai découvert une force nouvelle. Le Chemin m’a réconcilié avec moi-même.
J’ai prolongé cette réflexion dans mon second livre, Kaika. Ce mot japonais signifie « éclosion ». C’est un recueil poétique et philosophique qui explore cette idée que l’instant présent est une porte. Dans Kaika, je parle du temps, de l’instant présent, de la gratitude, de l’enfant intérieur, de la créativité, de l’amour de soi, de la vie et de la mort. J’y développe cette conviction que chaque instant, si on le vit pleinement, peut être une éclosion, une ouverture vers un autre regard sur le monde.
En fin de compte, le Chemin de Compostelle m’a transformé : il m’a appris que le voyage n’est pas seulement un déplacement dans l’espace, mais une expérience du temps et une rencontre avec soi-même. Et c’est cette vision que je continue de partager à travers mes livres, entre récit initiatique et poésie philosophique.
4. Sur ses voyages
4.1 Tu as visité environ 60 pays : qu’est-ce qui distingue le Chemin de Compostelle des autres aventures ?
J’ai exploré des paysages très différents, rencontré des cultures d’une richesse incroyable, mais le Chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle occupe une place à part. Ce qui le distingue des autres voyages, ce n’est pas seulement la beauté des paysages du Camino Francés ou la diversité des villages traversés : c’est l’expérience humaine et spirituelle qu’il offre.
Sur Compostelle, on ne marche pas seulement pour soi : on marche avec les autres. Le pèlerinage crée une communauté spontanée, une fraternité que je n’ai jamais retrouvée ailleurs. C’est cette fraternité universelle qui, pour moi, distingue Compostelle de toutes les autres aventures que j’ai pu vivre à travers le monde.
4.2 Quel serait ton prochain Chemin de Compostelle si tu décides d’y retourner ?
Si je devais reprendre un jour la route de Compostelle, je choisirais sans doute le Camino del Norte. Ce chemin longe la côte nord de l’Espagne, de Saint-Sébastien à Saint-Jacques-de-Compostelle, et traverse des paysages maritimes : falaises abruptes, plages sauvages, collines verdoyantes.
5. Conclusion de l'entretien
Si tu dois résumer le Chemin de Compostelle en un mot, lequel choisirais tu… et pourquoi ?
S’il fallait résumer mon expérience du Chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle en un seul mot, ce serait : Épanouissement.
Lorsque je suis arrivé à Saint-Jacques-de-Compostelle après 33 jours de marche sur le Camino Francés, j’ai ressenti quelque chose que je n’avais jamais éprouvé auparavant dans mes voyages. C’était bien plus que de la fierté ou de la satisfaction : c’était la sensation profonde d’être enfin entier, aligné, d’occuper pleinement la place qui était la mienne dans ce monde.
Le Chemin m’a appris que l’épanouissement ne vient pas de l’accumulation, mais du dépouillement. Il vient de la simplicité : marcher, respirer, rencontrer, partager. Il vient aussi de l’acceptation de ses fragilités, de ses doutes, et de la découverte que l’on peut avancer malgré tout, pas après pas.
Ce pèlerinage m’a donné la conviction que chacun d’entre nous peut trouver son propre chemin vers cet épanouissement. Il n’est pas nécessaire de parcourir l’Espagne à pied pour cela — même si je le souhaite à tout le monde —, mais il est essentiel d’oser écouter son Cœur, de se mettre en marche, extérieurement ou intérieurement.

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Lionel de Compostelle
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